L’ombre n’avait pas de forme réelle. Comme un nuage, on y voyait ce qu’on veut. Et j’avais bien envie d’y voir le pire. M’enfin, après l’accident de voiture, je présume que ça peut pas être bien plus triste ?
« Je vous les ait amenés.
-Ils savent quoi ?
-Absolument rien.
-Bien. Laisse-nous, Ambre. »
Ambre ? Noté. La jolie demoiselle se retourna vers moi, me décrocha un sourire qui m’aurait probablement retourné le bide, si les circonstances n’avaient pas été celles-ci. Non pas qu’une entité probablement multi planaire faisant une taille démesurée se trouvait en face de moi, mais…
On serait dans un jeu vidéo, y’aurait soit une cinématique, soit une musique qui annonçait un combat perdu d’avance. Malheureusement, rien ne me permettait de statuer sur ce qui m’attendait.
« Tu as peur ? »
Non. Bien sûr que non, attend. Tu m’affectes autant qu’une brise d’été un soir d’aout !
« Je dois vraiment répondre ? »
J’arrivais encore à répondre un minimum. Bien. Pas le moment de se pisser dessus de terreur.
« Qui t’as dit que la question s’adressait à toi ? »
Seconde d’incompréhension. Je me suis tourné vers Elena. Elle était toujours rayonnante. Ce qui n’était pas vraiment l’impression qu’elle était supposée dégager.
« Je n’ai pas peur. Pourquoi aurais-je peur, monsieur… ? »
Et elle était même capable de penser. Impressionnant, mon cerveau, lui, pédale dans la semoule, et mes déductions sont de l’ordre de l’évident. Quand je déduis. Je me sentais totalement spectateur de la scène qui semblait vouloir se passer avec ou sans mon consentement. Cinématique, donc.
L’entité éclata… De rire ? Quoi qu’il en fût, le fort résonna. Simulation de séisme en direct, c’est trop, merci.
« En voilà une qui a tout compris. Tu es long à la détente, toi, par contre. »
L’ombre se massa sur elle-même. Un tourbillon de ténèbres. Classe. Effet pyrotechniques dans ta face. Le tourbillon rétrécit jusqu’à faire une taille d’un petit mètre quatre-vingt, avant, évidemment, de prendre forme humaine.
« Tout n’est qu’illusions. »
Hell. Yeah. Pourquoi j’avais l’impression persistante qu’on se moquait de moi, en coulisse ? Il manquait plus que l’orgue à la Dracula, histoire que je sois sur.
« Bon, si on parlait de trucs intéressants ? Genre… Pourquoi on est là ?
-Il doit forcément y avoir une raison ?
-En admettant que notre venue dans ce… Monde, n’en ait pas, on nous a pas guidé ici pour rien. »
Je retrouve un semblant de logique, et même, d’assurance. Plus qu’un bon café, et j’peux retourner en cours. C’est le moment de me réveiller, là. Non ? Toujours pas ?
« Tant de certitudes. C’est presque troublant venant d’un être aussi fragile que toi. C’est par fierté que tu te sens obligé de montrer que tu ne te pisses pas dessus ? »
Possible. Doesn’t matter, anyway.
« Cette esquive de la question. C’est pour se la jouer mystère, ou y’a une raison précise à la dissimulation de notre raison ici ? Parce que je commence un peu à craquer psychologiquement, là. »
Pas que psychologiquement d’ailleurs. Les nerfs à vifs j’étais obligé de reconnaitre que le manque d’heures de sommeil me faisait assez souffrir. Et le passage dans ce monde semblait avoir démultiplié cette fatigue chronique. Pas comme Elena, d’ailleurs.
« Pourquoi vous êtes ici ? Mais pour détruire ce monde, bien sur. »
Donnez-moi un somnifère, pitié.