Oui, comme le côté obscur, vous allez offrir puissance et domination du monde. On est paumé, moi et Elena. D’ailleurs elle a l’air de s’en foutre royalement. Et j’ai envie de me laisser tomber au sol et plus bouger. On nous explique quand ? Au moins celle-là ne semblait pas lire dans mes pensées. Je me sens en danger. Je me sens fatigué. Et j’me sens aussi un tout petit peu manipulé. Mais juste un peu.
« Vous allez bientôt tout comprendre.
-Tu lis dans mes pensées aussi ou … ?
-C’est peu courant, même ici, ceux qui en sont capables… Vous n’auriez pas rencontré un humanoïde, totalement formé de ténèbres ? Il y en a un, qui sort du lot et s’approche parfois. Ils sont dangereux.
-Génial. Je le trouvais sympa, jusque y’a deux secondes.
-Si ça peut vous rassurer… Lui aussi vous aimez bien. Sinon vous seriez déjà morts, toi et Elena.
-Mmh. Je ne me souviens pas qu’on t’ait dis son nom. »
Elle éclata de rire, au lieu de se montrer perturbée.
« Evidemment que je connais vos noms. Je ne suis pas venue sauver des inconnus. »
Ha ? Parce qu’elle nous a sauvé ? De quoi ? On sauve de quoi, un mort ? L’enfer ? C’est quoi ce délire ? Et comment ça, on n’est pas des inconnus ?
Et c’est à ce moment de réflexion intense qu’Elena se retourna en souriant.
« Arrête de penser. C’est un ordre. Tu fais fondre ton cerveau pour rien. On comprendra bientôt, je le sens.
-Tu es sure qu’il y a quelque chose à comprendre ?
-Non, et c’est d’autant plus drôle.
-Drôle ?
-Avoue que l’idée de pouvoir réfléchir sur un truc auquel tu trouveras de toute manière aucune réponse te tente .»
Dis comme ça… Mais dans le fond, c’est vrai. La vie, l’Amour, La Mort… Et toutes les questions à la con que n’importe quel ado’ finit par se poser, me servait juste de matière à faire fonctionner ce qui reste de mon cerveau consumé par les jeux, les écrans, et les bouquins. Je ne dois pas penser à ça. Pas maintenant.
« Peut être… Peut-être bien. »
Silence. Elle sent mon trouble et se retourne à nouveau. On avance. La forêt, toujours la même. Pas de changement. La musique, toujours la même. Piano. Sombre. Fatiguant. J’ai l’impression de pouvoir tomber dans le coma a tout moment. Même mes nuits blanches ne m’épuisent pas autant… Ne rien dire, avancer. Se concentrer sur ses pas. Ne pas se laisser bercer par la cadence de la marche. S’appuyer au contraire sur son rythme pour garder les yeux ouverts.
« On va arriver. »
Aucune différence avec le reste de la forêt, pourtant. Mêmes arbres, même espace entre eux, même air, même tout. Et c’était d’autant plus chiant d’ailleurs. Quitte à mourir, j’aurai préféré qu’il y ait plus d’actions. Et du rock. Manque plus qu’un ange joue de la harpe et je jure que je pionce.
Et soudain.
Soudain, la vie.
Devant moi, une ville. En plein milieu des bois. Annoncée ni par le bruit, ni par un panneau ou que ce soit. Elle faisait partie intégrante d’ici, et elle donnait un peu l’impression d’être apparue par magie. Pleins de gens s’affairant un peu partout, comme un jour de marché traditionnel. Marché moyenâgeux, cela dit. J’ai voyagé dans l’espace-temps, en fait.
« Bienvenue à Tenval ! »
La ville me semble normale. Médiévale, mais tout à fait normale, sinon. Tout l’est. Et ça, franchement, ça ne me plait pas du tout. La jeune femme qui nous précédait nous incita à la suivre. Elena me fit signe d’obtempérer. J’obéis, encore. Mauvais pressentiment. Tout semblait rangé en quartier bien définit. On se faufila dans la masse sans problèmes. Maisons de pierres. La musique s’était arrêtée. Seule la vie de château standard, répondant à la grande majorité des clichés cinématographiques de nos jours était présente.
On arriva au centre de Tenval. Devant un énorme bâtiment tout aussi en pierre grise que le reste. Haut, et rond, il ne disposait que d’une entrée, conçue pour laisser entrer des truc gigantesques. Des armes de siège, peut-être. Ou bien c’était que de l’intimidation.
Un flashback me revint alors.
« Tout ici n’est qu’une illusion »
Et devant nous, la normalité de ce monde absurde s’effaça.
Et une ombre gigantesque apparut.
« Merde. On est dans la merde. »